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Croquis in situ MCmarco + photo
Avril 2013.
L'orage s'est éloigné et la nature a repris des couleurs.
Des occupant(e)s de la ZAD ont décidé de réinvestir le carrefour de la Saulce.

Ils construisent une baraque d'accueil là où avait stationné des cars de gendarmes mobiles pendant les longs mois de l'occupation policière.

Quelques tracteurs du collectif C.O.P.A.I.N. sont garés sur les bas-côtés pour bloquer rapidement si besoin l'accès à "La Chat teigne" et "La ferme de Bellevue" d'un côté et à "La Sècherie" et "Les fosses noires" de l'autre.

Personne ne sait encore vraiment comment vont se dérouler les prochains mois mais les zadistes s'implantent durablement sur une zone au devenir juridique très flou.

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Croquis in vivo MCmarco
Avril 2013.

Maintenant que la confrontation directe avec la gendarmerie semble historique, le temps se déploie différemment sur la zone.

Non loin de la gare, à "La Bellic'h", Chingachgook le Mohican ne serait pas surpris, au sortir des petits bois, de découvrir des habitations qui semblent constitutives du sol, petites cellules auto-construites dispersées sur un vaste terrain.

Un jardin, une yourte en construction, une habitation de planches ramassée sur elle-même et surmontée d'une tour de guet, des toilettes ouvertes au grand vent, autant de signes d'une vie libérée des réglementations d'urbanisme.

Les nombreux chiens apprécient, joyeux, débrouillards et autonomes.
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Croquis in vivo MCmarco
Avril 2013.

Au lieu-dit "La Noé Bernard", un vieux camping-car semble définitivement stationné sur un petit terrain au milieu des champs, le long du chemin.

Il y a un mois, ce n'était encore qu'un lopin de terre avec un abri de planches désarticulées et quelques murs envahis par les ronces.

Dans un capharnaüm d'outils, de planches, de palettes et de pneus, autour d'un carré de jardin fraîchement retourné, on comprend qu'ici se sont installés des Camille bricoleurs.

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Croquis in situ MCmarco / ciel emprunté à Matt Molloy
Flashback et allégorie.

On se rappelle que le 10 février, partis de Nice le 8 décembre 2012, des dizaines de marcheurs rejoignent la ZAD ; deux mois à travers la France pour protester en acte contre le projet d'aéroport, dans le droit fil des marches protestataires initiées par Gandhi.
Ces marcheurs ont croisé sur leur route nombre de projets insensés d'aménagements urbains ou territoriaux, de nombreuses Zone à Défendre en devenir.
Le cortège s'est étoffé à partir de Nantes, soutenus par quelques comités locaux et sous une pluie souvent battante a courageusement atteint "La vache rit", au centre de la Zone A Défendre.
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Croquis in vivo MCmarco
Avril 2013.

Une assemblée générale se tient à "La vache rit", à la tombée du jour.

Deux grandes optiques organisationnelles sont à l'œuvre sur la zone et la plupart des membres de l'ACIPA, — la principale organisation qui se bat contre l'implantation de l'aéroport depuis des décennies —, a du mal à entendre les explications pourtant nombreuses et circonstanciées de zadistes sur les questions d'opposition aux forces de l'ordre.

Pour ces militants historiques, il est déconcertant de ne pouvoir réduire les zadistes à une seule entité et il est difficile de faire le deuil d'une organisation hiérarchisée.

Au milieu de ces débats vifs et indispensables, les paysans qui ont refusé de partir et qui luttent en restant sur leur exploitation font montre d'une remarquable tolérance et résolvent quotidiennement sur le terrain les problèmes au fur et à mesure, comme ils viennent.
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Croquis in situ MCmarco
Avril 2010.

Non loin des "Cent chênes", le pin est sans doute le plus vieux de la zone ; de loin, il émerge dans le paysage et il est d'ailleurs si haut qu'il ne rentre pas intégralement dans le carnet du dessinateur.

Il est depuis peu investi par des occupant-e-s attiré-e-s par les étages supérieures de la forêt, écosystème dans lequel il faut donc désormais compter l'espèce des zadistes.

La Zone A Défendre est maintenant ralliée par de nombreux habitants, et de vastes dreamcatchers indiquent qu'elle devient une Zone A Rêver.
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Croquis in situ MCmarco
Avril 2013.

Alors que les forces de police ont quitté la ZAD, comme ça, d'un coup, juste après les derniers affrontements, les Naturalistes en lutte continuent leurs relevés.

Le travail des Naturalistes en lutte sur place est loin d'être spectaculaire,  mais il aura une incidence très forte sur la non-validité du projet d'aéroport.

Déjà, le comité scientifique chargé de vérifier le respect de l'écosystème et des mesures compensatoires éventuelles a rendu un avis défavorable et le Conseil National de Protection de la Nature demande à ce que toute la procédure soit revue.

On s'achemine pour deux ans d'études supplémentaires. Autant dire un délai confortable pour enterrer le projet.

Pendant qu'un autre monde se construira sur zone, les naturalistes continueront alors leur quête, ici d'une vipère, d'un crapaud ou d'un rapace particulier, là d'une herbacée comestible et plus loin encore d'un point d'eau vierge.
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Croquis d'après photos MCmarco
Avril 2013.
Les forces de police avaient délaissé la zone le temps de "Sème la ZAD".
Les occupants zadistes et paysans et les centaines de sympathisants avaient alors pu déambuler et se déplacer librement sur l'ensemble des spots pour labourer, planter et semer.
Mais l'ordre républicain devait se ré-affirmer.
Des blessés dont un grave, — "un impact dans le visage provocant un arrachement important de l’arcade et un enfoncement des sinus accompagné par une hémorragie importante nécessitant une prise en charge par les pompiers" [Equipe medic]. Les gendarmes mobiles ont pris comme sale habitude d'utiliser les "flashball" ou "lanceur de balle de Défense" comme arme offensive, contrairement aux règles d'utilisation de cette arme sensément non-létale.
La Gendarmerie Nationale peut donc s'enorgueillir, par l'intermédiaire de gendarmes mobiles convaincants, d'avoir repris le carrefour de la Saulce, au cœur de la ZAD.
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Croquis d'après photos MCmarco
Avril 2013.

C'est carnaval à Nantes.

L'ordonnancement préparé depuis des mois par les organisateurs — la fête comme commande sociale —, est perturbé par la venue d'un nouveau char.

Les opposants à l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes ont mis en scène un FLIC, bras armé de VINCI et des APPARATCHIKS socialistes locaux, juché sur un aéroplane blindé.

La "ZAD partout", assurément ; mais le char est cantonné en queue de cortège par les sbires municipaux.
Autres figures carnavalesques, les patates joyeuses sont utilisées dans les manifestations anti-aéroport, comme ce lundi post-carnaval, devant la préfecture, pour protester contre la nouvelle intervention policière sur la ZAD.
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Croquis in situ MCmarco
Avril 2013.

Les occupants de la Zone à Défendre organisent "Sème ta ZAD", un moment intense de solidarité et d'entraide.

Des centaines de quidams, équipées de pioches, pelles, binettes, sarcloirs et fourches, toute la journée, de Nantes et d'ailleurs, rejoignent différents champs ou parcelles pour bêcher, creuser, piocher et planter.

Aux "100 chênes", on creuse des fossés et des chicanes/barricades sont érigées non loin. Aux "cent noms", des chaînes humaines déplacent des monceaux de terre. Aux "fosses noires", on prépare la terre pour un maraîchage permanent.

C'est l'occasion de contacts du troisième type entre des personnes si différentes — qu'ailleurs —, elles ne se rencontrent jamais.
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Croquis in vivo MCmarco + site Auxiette
Avril 2013.
"J'en ai vu des tas de faux-culs dans ma vie, mais vous, vous êtes une synthèse". 
Bernard Blier dans un vieux film français. 
Les jardins policés du Conseil Régional des Pays de la Loire sont révélateurs du climat qui règne à la présidence. Jacques Auxiette, principal thuriféraire du projet, jusqu'auboutiste de "l'aménagement du territoire pour la croissance", s'est mué en porte-parole de la techno-économie et engage des campagnes publicitaires pro-aéroport aussi coûteuses qu'inefficaces.
Etrangement, il est le seul responsable politique de poids à vanter les mérites d'un projet qui révèle désormais au grand jour sa nocivité écologique, économique, sociale et politique. 
La commission dite "du dialogue" mise en place par le gouvernement a rendu son rapport. Il faut lire le document pour bien en saisir la vacuité.

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Croquis in situ MCmarco
Avril 2013.

Sur la Zone A Défendre, comme ailleurs, ce début du printemps 2013 est rude. Froid tenace, pluies abondantes, gadoue à tous les étages.


Mais les occupants volontairement illégaux, squatteurs de bâtiments voués à la démolition, habitants de cabanes plus ou moins sophistiquées, campeurs provisoires ou permanents tiennent bon.


Ils sont rejoints, à l'orée des beaux jours, par de nombreuses camionnettes, de celles qui font la route, avec ceux et celles qui cherchent si un autre monde est possible.
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Croquis in vivo MCmarco
Avril 2013.

A mi-chemin du Chemin de Suez, entre "Les Fosses noires" et "La Chat teigne", sur la D81 qui va des Ardinières à Vigneux-de-Bretagne, les forces de police sont postées depuis de longs mois au carrefour de la Saulce.

Alors que les automobiles en transit et les cyclistes du dimanche sont autorisés à passer, aucun piéton ne peut utiliser la route et doit passer par champs et haies pour se rendre de part et d'autre de la ZAD.

Ceux qui ont connu les checkpoint entre l'Est et l'ouest sur le Mur à Berlin avant 1989 et ceux qui vivent les "points de passage" entre la Palestine et Israël comprendront de quoi il est question et la gravité de cette situation aux lisières de la légalité.

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Croquis in situ MCmarco
Avril 2013.

Le paysage de la ZAD, Zone à Défricher, Zone à Détruire, Zone à Défendre ne livre pas son secret d'emblée.

Il faut sillonner plusieurs fois le plateau pour découvrir qu'un des meilleurs moyens de le comprendre est de suivre l'étonnante ligne de crête qui le traverse quasiment en son centre sur l'axe Est-Ouest. Sur la carte, et sur le terrain, c'est un chemin souvent morcelé et perdu, peut-être un passage gallo-romain, encore nommé "Ancien chemin de Suez" et qui délimite aussi la séparation administrative entre Notre-Dame-des-Landes et Vigneux-de-Bretagne.

On s'enfonce, on claplote, on franchit des ruisseaux, on cherche la terre et la motte fermes et on contourne de nombreuses petites mares.
L'eau est partout et on sait qu'on est-là sur un château-d'eau, réservoir et filtre naturel pour deux bassins versants, de chaque côté du chemin.

Partout des haies, un bocage résistant avec des parcelles plus petites et souvent ré-envahies par la lande du côté de Notre-Dame et plus grandes  et souvent travaillées en cultures du côté de Vigneux.


Parfois, de grands chênes ou de grands pins ponctuent le tableau et l'on se met à rêver à un paysage singulier en Loire-Atlantique et préservé pour les centaines d'années qui viennent...
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Croquis MCmarco [d'après photo]
Flash back.
On se rappelle que le 17 novembre 2012, une grande manifestation de ré-appropriation de la zone a lieu sur le site de la ZAD.
Cette manifestation fait suite à l’intervention policière violente et disproportionnée destinée à détruire quelques cabanes et expulser leurs occupants. Des dizaines de milliers de personnes, paysans, néo-ruraux, politiques, écologistes, urbains, citoyens de toute nature, se déplacent à pied de l’extérieur vers le centre de la ZAD.
« Aussi sec », des éléments en bois pré-fabriqués et des matériaux en nombre permettent instantanément de remonter des cabanes dans une chataîgneraie.
La « Chat Teigne » est née pour durer.
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Croquis in vivo MCmarco
Avril 2013.

Pendant ce temps-là, le tarmac de l'aéroport Nantes Atlantique vibre des atterrissages et décollages d'aéronefs remplis des vacanciers de Pâques.

Alors que toutes les compagnies aériennes européennes anticipent une baisse de trafic, on constate que l’aéroport de Nantes avec ses 320 ha est dans la moyenne internationale, sa piste de 2 900 m de long est la même que celle de l’aéroport de San Diego aux États-Unis. Sur ces pistes qui font la même taille, on traite à San Diego 223 000 mouvements annuels alors qu’à Nantes on traite à ce jour  42 000 mouvements. San Diego traite 17 millions de passagers par an quand Nantes Atlantique peine à traiter 3,3 millions de passagers. (Etude du cabinet CE-Delft)

Alors que les élus soutenus par la firme VINCI n'ont pas réalisés de parkings-silos, n'ont pas prolongé la ligne de tramway distante de seulement un kilomètre, alors que les nuisances sonores sont faibles, alors que le survol de Nantes n'est pas un problème avéré, il faudrait créer un autre aéroport ?

Cette légende de l'obsolescence de l'aéroport actuel masque un problème bien plus important : celui de la récupération foncière éventuelle pour bâtir de nouveaux logement sur ce territoire. Des logements construits par VINCI ?
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