page 47

Croquis in vivo MCmarco
Mai 2013.

No name, c'est tout près des Cent chênes et non loin de Far west.

Ici, la patine de la cabane principale évoque déjà une occupation de longue date.

C'est un des points centraux de la zone ; on vient s'y renseigner si on n'a pas vu tel ou telle dernièrement ; les rencontres se produisent comme si le téléphone portable n'avait jamais existé. "Tiens ! toi ici ? salut !" Tu n'aurais pas vu Alexandro ? " "Il vient de partir !"

Les jardins fleurissent, les abris se multiplient et de nombreux zadistes temporaires se manifestent.

page 46

Croquis in vivo MCmarco
Mai 2013.

Comme partout ailleurs, l'apparition des premiers rayons de soleil signe la présentation de la collection printemps/été des tee-shirts de la ZAD.

L'Isolette bruisse d'activités inédites comme ranger les accumulations de matériels et matériaux de récupération, brûler les défrichages de l'hiver, agencer les jardins, aérer les habitations mobiles.

Au son de la radio de la zone diffusée alentour par une automobile de petite cylindrée, chacun organise une occupation des lieux commencée depuis des mois et qui pourrait durer de longues saisons ; le coin est très accueillant.

page 45

Croquis MCmarco d'après photos "Le Dauphiné"
Mai 2013.

Sur le plateau des Glières, lors du rassemblement "Paroles de résistance", Marcel Thébault porte haut l'opposition au projet d'aéroport de Notre-Dame des Landes.

Dans sa prise de parole devant 1500 personnes transies par le froid et la pluie, il évoque "Le mouvement paysans [qui] est l'âme de la lutte", mais aussi  "L'union de tous les opposants : occupants illégaux, mais légitimes, citoyens, associations et paysans".

Extrait :  (...) "Notre richesse est la diversité de notre lutte : d’un côté les associations, syndicats et partis politiques regroupés en une coordination de quarante membres, de l’autre, les nouveaux habitants installés depuis 2009 en collectifs d’occupation.

Derrière cela deux stratégies se côtoient : celle des jeunes met en avant un fonctionnement horizontal, un engagement par l’action directe sur le terrain en surveillant toute action qui irait dans le sens du projet. Parallèlement à cela, ces jeunes expérimentent un mode de vie basé sur la mise en commun des savoirs et des besoins et qui refuse la société de consommation. La stratégie des associations est citoyenne, elle se bat par de l’argumentation, de l’expertise et vise des mobilisations ouvertes à tous. Elle est très soucieuse de l’opinion publique. Elle se déploie sur 3 piliers qui sont la mobilisation citoyenne, parce que notre refus est massif et populaire, le politique, car la décision d’arrêt sera une décision politique, et enfin le juridique car du point de vue de la loi sur l’eau, ce projet est illégal. Cette diversité de nos modes d’action est une de nos garanties de succès.
" (...)

page 44

Croquis in situ MCmarco d'après photos
Flashback.

Le 11 mai 2013, la chaîne humaine réunit plusieurs dizaines de milliers de personnes autour du périmètre de la ZAD.
Tout est affaire d'image et chacun immortalise ce moment aussi peu politique qu'il est festif.
Il ne pleut pas, la photo est bonne.

Les porte-parole s'expriment pour des médias attentifs qui dès le lendemain zapperont sur d'autres informations, alors que le peu consensuel hélicoptère loué à grand frais par la coordination survole l'ensemble de la manifestation.


Le jour suivant, l'ensemble des comités de soutien nationaux se réunissaient à La Paquelais, échangeaient et tentaient de renouveler les perspectives de la lutte.

page 43

Croquis in situ MCmarco
Mai 2013.
Un vent mauvais passe sur Nantes.

Un groupe d'une centaine d'occupant(e)s et d'opposant(e)s au projet d'aéroport s'est invité au forum mondial des droits de l'homme qui se tient au Palais des Congrès de Nantes.
Mais le service de sécurité leur en interdit l'entrée ; les manifestants organisent alors  pacifiquement un cordon pour empêcher à leur tour les participants au forum de rejoindre les salles du Palais.

Une charge de CRS plus tard, chacun constate que dans la Capitale verte de l'Europe, l'ordre règne autour des carrés VIP. Plus c'est loin, plus les droits de l'homme c'est bien.

Pendant ce temps-là à Saint Nazaire la criminalisation de la contestation se poursuit et Christian, un paysan interpellé à la sortie de Sème ta ZAD, est condamné à 10 mois de retrait de permis et 400 euros d'amende pour le refus de prélèvement de son ADN...

page 42

Croquis in vivo MCmarco
Mai 2013.

Les initiatives sont très nombreuses et toutes importantes sur la ZAD mais peut-être celle-ci fait-elle passer dans une autre phase de la lutte.

De nombreux occupant(e)s, zadistes, squatters, des paysans du C.O.P.A.I.N, des personnes préoccupées par l'organisation sur la zone, convergent vers La Gourbi pour discuter autour du comblement ou non de la dernière tranchée qui coupe la circulation, près de la Sècherie.

L'échange est dans un premier temps quasi-impossible, totalement accaparé par un warrior qui insulte plus qu'il ne parle et qui croit qu'on doit se battre contre ses ennemis avec les mêmes armes qu'eux.

Il faut bien deux heures et demi, la grande patience et la formidable maturité de toutes les personnes présentes pour réussir à décanter la discussion, évoquer les problèmes de fond et mettre en place des décisions communes, partagées par tous ; la démocratie retrouvée avec le luxe du temps.

page 41

Croquis in vivo MCmarco
Mai 2013.

Tous les quinze jours, une assemblée générale des occupant(e)s se déroule à la Vache rit. Elle réunit des membres de l'ACIPA, plusieurs groupes de zadistes, des agriculteurs résidents et résistants, des agriculteurs du C.O.P.A.I.N.

Après avoir porté sur les inévitables divergences de points de vue à propos des différentes actions passées ou en cours, le dialogue  s'oriente sur des points concrets de convergences.
 
Par exemple, l'accès aux parcelles pour les agriculteurs est maintenant partout nécessaire et rendez-vous est pris pour organiser le comblement de certaines tranchées et l'élargissement de certaines chicanes.

Les attitudes vindicatives générées par les six mois d'occupation militaires semblent commencer à s'estomper de part et d'autre.

page 40

Croquis in situ MCmarco
Mai 2013.
Ce 11 mai à 14 heures, une chaîne humaine de plusieurs dizaines de milliers de personnes se déploie le long des vingt-cinq kilomètres du périmètre de la ZAD.
Mais dans le même temps, une performance inédite démarre et progresse le long de la chaîne ; un groupe de zadistes squatte la manifestation et incarne la situation sur le site de la construction du barrage de Belo Monte au Brésil ; monstrueux camion militaire aux couleurs de EDF/SUEZ, paramilitaires encagoulés, nervis répressifs envers les journalistes, indiens encagés des fleuves Xingu, Tapajós et Teles Pires.
L'ensemble de ce happening est involontairement crédibilisé par le passage à basse altitude de l'hélicoptère des organisateurs de la chaîne humaine.
La similarité entre les situations de Notre-Dame-des-Landes et de Belo Monte - politiques inféodées à l'économie, primauté de la technologie sur la richesse des écosystèmes et militarisation du territoire -, est alors criante de réalité.

page 39

Croquis in vivo MCmarco
Mai 2013.

Non loin de La Wardine, cet après-midi, beaucoup de monde sur l'ancien Chemin de Suez, qui transite de la Chat teigne vers Les planchettes où sont installées les scènes des concerts organisés à l'occasion de la Chaîne humaine.

Ici, cependant, un grand calme règne et quelques personnes qui ne se connaissaient pas deux minutes avant vont et viennent, discutent, boivent un verre en écoutant une bande-son éclectique.

Le lieu est à taille humaine, à l'abri de cette haute grange à deux étages, occupée et gérée par des zadistes qui accueillent de nombreuses réunions très constructives.

page 38

Croquis in vivo MCmarco
Autour de "La Rolandière", haut-lieu de la ré-occupation, un groupe de parisien(ne)s a rejoint pour quelques jours les occupant(e)s.
Au matin, chacun s'organise pour assurer sur les différents chantiers car il faut construire de l'éphémère qui dure, nettoyer et organiser d'éventuels campements alentours, assurer le ravitaillement pour des zadistes de plus en plus nombreux, ...
Dans le bus multicolore, une bibliothèque, des ordinateurs et des zadistes qui communiquent.

page 37

Croquis in vivo MCmarco
Mai 2013.

Ce soir, la grange de "La Wardine" est ralliée par une cinquantaine de personnes ; un débat est organisé par des zadistes, avec des" Naturalistes en lutte", pour évoquer l'impact de l'occupation sur les éco-systèmes de la ZAD.

Un film est projeté qui relève le problème des arbres coupés sans discernement, des déchets insuffisamment évacués, des campings et défécations sauvages, des clous dans les arbres.

Toute le monde note également les coupes de chênes par des propriétaires terriens qui profitent de l'effet d'aubaine des expropriations et les gros dégâts causés par l'intervention des forces de police en novembre 2012.

La zone souffre du nombre désormais important d'occupant(e)s, du manque d'information auprès de nouveaux arrivants quant à la fragilité du milieu.
Mais les pratiques vertueuses semblent majoritaires et l'absolue nécessité de préserver un territoire paradoxalement protégé par les longues 40 années du projet d'aéroport finira par s'imposer.

page 36

Croquis in situ MCmarco
Mai 2013.

On tourne à gauche, on longe la haie des châtaigniers, on traverse un chemin encaissé et tourbeux, on évite les profondes rigoles à droite, on saute par dessus le talus épineux et on découvre parfois des cabanes semblables à celle de Mandragore.

Par ici, les parcelles et les cabanes ne jouissent d'aucun statut particulier : ni privatisées ni collectivisés ; une ambiguïté entretenue par de petits panneaux qui enjoignent de passer son chemin.
L'installation d'occupant(e)s dans les bois posent beaucoup de questions sur l'impact écologique de la résistance au projet d'aéroport, mais on frissonne — le spleen —, devant la puissance d'évocation de cette colonie du nouveau monde.

page 35

Croquis in vivo MCmarco
mai 2013.

Le chant des oiseaux vient de s'éteindre ; le jour se lève vraiment sur la zone ; les chiens commencent à s'étirer en baillant.

Les premiers foyers vont s'allumer, les premiers thés se boire ; les premiers occupant(e)s vont bientôt commencer à transiter d'un lieu à l'autre ; les premiers coups de marteau vont commencer à résonner d'un bois à l'autre.
Il en va ainsi sur toute la ZAD comme autour de "La Gourbi", une cabane collective installée en face des "Fosses noires".

page 34

Croquis in vivo MCmarco
Mai 2013.

Lorsqu'on rejoint "La branche", on passe par une palissade ou par dessus des fossés et l'on entre dans un petit village très vivant à l'abri sous les arbres.

Un réseau travaillé de sentes relie plusieurs jardins parfois sophistiqués mais l'aménagement collectif prévaut qui distribue nombres de cabanes et de tentes disparates.

Les occupant(e)s du lieu sont très accueillants envers le voyageur, mais sûrement moins avec le touriste indiscret et compassionnel.

page 33

Croquis in vivo MCmarco
Mai 2013.

Claude a décidé de remettre en activité un four ancestral en face des Planchettes, une ferme lamentablement détruite le 17 octobre 2012 à la pelleteuse par les ouvriers de VINCI, sous la protection des forces de police.

Claude avait fait passer un très beau texte sur le web où il expliquait qu'il avait trouvé là une raison de rester sur zone en s’insèrant dans une idée plus globale et écologique de retour à la nature et aux anciens métiers.

Maçon de métier, il sait de quoi il retourne et il se transformera en boulanger le temps venu.

Il est aidé aujourd'hui par deux Camille(s) de passage pour quelques jours sur la zone, mais il continue à toujours avoir besoin de bras et d'énergies autour et avec lui.

page 32

Croquis in vivo MCmarco
Mai 2013.

Alors que la zone n'est plus à défendre contre les forces d'occupation policière et que le temps s'oriente au soleil, les occupant(e)s retrouvent peu à peu leur identité propre.


Chacun reprend plus ou moins son patronyme et aux "Cent noms", c'est une famille entière et quelques quinze personnes qui s'activent à faire vivre une grande parcelle adossée au bois.

Beaucoup de monde était venu ici aider lors de la journée Sème ta ZAD et désormais une vaste zone maraîchère s'étend autour de nombreuses baraques remarquablement fonctionnelles.

A l'entrée, une boite au lettres semble normaliser le secteur et plus loin, de nombreux vêtements sèchent sur de longs fils, véritable guirlande de tissu qui évoque un loungta, drapeau de prières profane et local.

page 31

Croquis in situ MCmarco d'après montage photos
Flashback.

On se rappelle que Marcel, agriculteur sur zone et Michel, agriculteur en retraite, avaient entamé une grève de la faim le 11 avril 2012.

En plein centre de Nantes, sous une tente entourée de militants, de tracteurs, d'une caravane et de quelques moutons, ils entendaient ainsi demander la suspension des procédures d'expropriations sur la ZAD.

Rejoints par d'autres grévistes de la faim, Françoise, Gilles, Séverine, Marie et Sandrine, ils décidaient d'arrêter le 8 mai 2012, ayant obtenu l'assurance qu'aucune expulsion d'agriculteurs et d'habitants n'interviendrait tant que les recours ou pourvois n'auront été épuisés.

Le 3 mai, 200 tracteurs étaient rentrés dans la ville pour soutenir les grévistes de la faim et leurs conducteurs et conductrices, agriculteurs et agricultrices avaient ainsi impressionné le monde urbain par leur détermination et leur force de conviction.
page suivante [32]